Du bon usage du « local » dans les marchés publics

24 juin 2021
Du bon usage du « local » dans les marchés publics

Sommaire

    Raphaël Apelbaum & Alain de Belenet, avocats associés Droit public des affaires LexCase (Paris – Lyon – Marseille)

    Il n’est pas utile de rappeler que l’acheteur doit veiller à ne pas restreindre la concurrence dans le cadre de ses procédures d’achat. Ainsi, l’acheteur ne peut favoriser les entreprises locales. C’est ainsi que l’article R. 2111-7 du Code de la commande publique prohibe toute référence géographique s’agissant des spécifications techniques.

    Cette interdiction s’explique par les grands principes de la commande publique que sont notamment l’égalité de traitement et la non-discrimination, tant à l’échelle nationale qu’à l’échelle européenne. En effet, l’ouverture des marchés publics à l’échelle de l’Union européenne implique la prohibition de barrière à l’exécution de ces contrats pour des raisons géographiques, sauf à faire à échec à la politique d’harmonisation et d’ouverture des marchés. Par exemple, sont considérées comme discriminatoires, les spécifications techniques ou les critères de sélection des offres obligeant les candidats à créer une antenne locale pour l’exécution du marché public (CE, 20 juillet 1994, n° 131562).

    • 1/ Le « local » c’est possible mais…

    L’acheteur peut néanmoins faire valoir une « dose » de local dans le cadre de la mise en concurrence à la condition que cela soit en lien avec l’exécution du marché public. Trois exemples peuvent être mis en avant pour illustrer la règle.

    Exemple #1 : si l’acheteur ne peut imposer une condition d’implantation locale, la jurisprudence française a déjà considéré que, dans certaines hypothèses, cette exigence était en lien avec l’exécution du marché public. Il en va ainsi lorsque cette exigence permet d’assurer la continuité du service, d’éviter les ruptures d’approvisionnement ou encore d’améliorer la qualité de la prestation rendue (s’agissant d’un marché de réparation, d’entretien et de branchement du réseau d’eau, CAA Nancy, 12 avril 2001, n° 96NC02129 ou encore s’agissant d’un marché de fourniture et de transports de liants hydrocarbonés, CAA Bordeaux, 25 mai 2004, 00BX02265).

    Exemple #2 : l’exigence du « local » peut aussi resurgir à la faveur de l’analyse du volet environnemental des offres dès lors que cette analyse porte sur les modalités de production, de transformation ou de livraison des produits. Ainsi, une entreprise plus proche géographiquement de l’acheteur pourrait voir son offre valorisée s’agissant des modalités de livraison d’un produit par rapport à ses concurrents dont la chaîne logistique est plus éloignée du client final.

    Exemple #3 : la jurisprudence a reconnu récemment la possibilité pour les acheteurs d’introduire un critère social de type « impact de l’offre sur l’emploi local » dès lors que ce critère était en lien avec les conditions d’exécution du contrat (CE, 20 décembre 2019, n° 428290)

     

    • 2/ Le « local » dans le respect du Code

    Il n’est pas question ici de promouvoir des outils juridiques « miracles » au bénéfice des opérateurs locaux mais de rappeler que le cadre législatif et réglementaire du Code de la commande publique n’interdit pas la prise en compte du local. Il appartient à l’acheteur de bien définir son besoin et ses attentes.

    Dès lors que les critères de choix des offres sont en lien avec l’objet du marché ou ses conditions d’exécution, l’acheteur dispose d’une marge de manœuvre importante.

    Pour le critère social on retrouve cette même logique : un critère social ne peut pas porter sur la politique générale d’une entreprise en matière sociale. Il faut que ce critère se rapporte aux salariés qui seront impliqués pour la bonne exécution du marché.

    L’exemple du local et d’un critère lié aux conditions de livraison constitue une bonne illustration. Si l’acheteur veut examiner les offres au regard des conditions de livraison, il ne peut pas se contenter de privilégier l’entreprise la plus proche de ses locaux. Il appartient à l’acheteur d’examiner le temps de trajet entre le candidat et l’acheteur public et analyser la chaine logistique mise en place (CE, 12 septembre 2018, n° 420585). Dans le domaine de la santé, on pourra effectivement retrouver ce critère pour assurer une chaine logistique compatible avec la sécurité d’approvisionnement des produits de santé à l’hôpital.

     

    En définitive, le « local » et la commande publique ne sont pas incompatibles. Il revient en revanche au « local » de se fondre dans la contrainte réglementaire (et non l’inverse) : lien avec l’objet du marché, analyse non discriminatoire au stade de l’analyse des offres.

     

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