Association de patients : une implication au cœur du circuit du médicament

Association de patients : une implication au cœur du circuit du médicament

Depuis maintenant plusieurs années, la voix des patients occupe une place grandissante dans le système de soins français, notamment grâce aux actions menées par les associations. Au fil du temps, elles ont vu le spectre de leurs prérogatives s’élargir, s’étendant désormais de l’éducation thérapeutique à l’information médicale, en passant par l’accès au marché : à juste titre, elles sont devenues un acteur incontournable dans le circuit du médicament.

Au sein des missions qui leurs sont dévolues, trois d’entre-elles sont au cœur de l’actualité.

Accès précoce aux médicaments

Le rôle des associations de patients est de faciliter les démarches et de faire porter la voix des patients à hauteur des institutions régulatrices et des laboratoires pharmaceutiques, afin de faire accélérer la mise sur le marché de certaines thérapies.

Ainsi elles peuvent, depuis juillet 2021, et ce dans le cadre de la réforme des ATU, contribuer à la procédure d’évaluation du médicament directement sur le site de la HAS[1]. Cette contribution doit permettre à la HAS d’affiner ses connaissances de la maladie (qualité de vie des patients, mobilité et gestion des activités quotidiennes, vie sociale et affective, etc…) afin d’apprécier au mieux le besoin thérapeutique non couvert, l’urgence ainsi que le degré d’innovation porté par la thérapie évaluée. Les associations peuvent également y faire part de retour d’expérience de patients ayant déjà pu bénéficier de ce traitement.

[1] https://www.has-sante.fr/jcms/p_3114053/fr/contribuer-a-l-evaluation-des-medicaments-en-vue-de-leur-remboursement-ou-d-une-autorisation-d-acces-precoce

Rupture des médicaments

Un problème majeur que nous rencontrons depuis une décennie, mise en lumière par la crise actuelle, est la pénurie de certains médicaments, situation qui se veut problématique quand certains de ces médicaments sont d’intérêt thérapeutiques majeures (MITM) et pour lequel une interruption de traitements entraine le pronostic vital des patients.

Sur ce sujet, le pouvoir des associations de patients se veut avant tout médiatique[1]. Il permet de mettre en exergue des situations problématiques pour capter l’attention des pouvoirs publics (cf les récentes initiatives menées par l’association RoseUp[2] ou bien par l’association France Parkinson).

Au-delà de ce rôle, les associations sont de plus en plus investies sur le terrain institutionnel. Ainsi, elles ont dernièrement contribué à une consultation publique[3], à partir de laquelle l’ANSM a construit ses recommandations pour l’élaboration des PGP (conformément au plan de gestion des pénuries, publié dans le code de santé publique à l’article R. 5124-49-5 et prévu par le décret n° 2021-349 du 31 mars 2021). Elles ont pu par ce biais donner leur avis sur les informations à recueillir pour prévenir et détecter un risque de rupture, et sur la démarche à suivre pour y remédier.

Enfin, sur le plan thérapeutique et en cas de ruptures avérées, elles ont également la capacité de proposer des alternatives dans le traitement de patients qu’elles accompagnent, main dans la main avec les OMEDIT.

[1] https://www.lesechos.fr/industrie-services/pharmacie-sante/penurie-de-medicament-une-aggravation-inquietante-selon-lufc-que-choisir-1263175

[2]https://www.lemonde.fr/sciences/article/2021/06/15/des-femmes-atteintes-d-un-cancer-du-sein-metastatique-privees-d-un-traitement-innovant_6084174_1650684.html

[3] https://ansm.sante.fr/actualites/disponibilite-des-medicaments-consultation-publique-sur-les-plans-de-gestion-des-penuries-des-medicaments-dinteret-therapeutique-majeur

[4] https://ansm.sante.fr/actualites/disponibilite-des-medicaments-consultation-publique-sur-les-plans-de-gestion-des-penuries-des-medicaments-dinteret-therapeutique-majeur

Remboursements et relation avec le CEPS

La fixation des prix des médicaments et des DM ainsi que le remboursement par la sécurité sociale est une procédure complexe, au cœur de laquelle on retrouve le CEPS et la Commission de la Transparence de la HAS. Au sein de cette commission siègent des praticiens (médecins, pharmaciens, spécialistes en méthodologies et épidémiologies) et aussi, depuis 2015, des représentants du monde associatif (cette représentativité est également assurée au sein de la CNEDIMTS – Commission Nationale d’Evaluation des Dispositifs Médicaux et des Technologies de Santé – son équivalent pour les dispositifs médicaux).

Leur rôle est ici d’apporter une connaissance du quotidien des patients et une expérience de terrain, l’objectif final étant que l’appréciation du Service Médical Rendu (SMR) et de l’Amélioration du Service Médical Rendu (ASMR) intègre au mieux le besoin patient et le fardeau de la maladie, sans s’arrêter stricto sensu aux preuves scientifiques.

Par leur contribution aux débats, les associations de patients établissent un état des lieux de la maladie actuellement vécue par les patients : difficultés d’observance, effets indésirables, charge quotidienne de soin, examens complémentaires, etc… Une vision plus globale est apportée par le biais d’un questionnaire accessible en ligne, forme de consultation publique ouverte à toutes les associations agrées ou non, engagées sur le champ thérapeutique des médicaments en cours d’évaluation. On y trouve par exemples des informations sur le point de vue des familles et des difficultés qu’elles rencontrent (fatigue, stress, difficulté d’accompagnement).

L’implication croissante de la société civile aux décisions institutionnelles est une tendance de fond, à laquelle n’échappe évidemment pas le monde de la santé, encore d’avantage compte tenu des enjeux. Reste à savoir quel est le poids véritable donné à ces contributions, et si dans les faits, les associations ont réellement les ressources et la structure pour faire porter leur voix à ce niveau.

Jacques Lépany, EM Produits de Santé