Interview Vincent Vioujas : Actualités de la Gouvernance hospitalière

22 juin 2021
Interview Vincent Vioujas : Actualités de la Gouvernance hospitalière

Sommaire

    Directeur d’hôpital, Vincent VIOUJAS exerce actuellement les fonctions d’administrateur du groupement de coopération sanitaire du pays d’Aix. Chargé d’enseignement à la Faculté de droit et de sciences politiques et à Sciences Po Aix, il est chercheur associé au centre de droit de la santé. Il a publié de nombreux articles en droit de la santé ainsi qu’un manuel de droit hospitalier.

     

    L’objectif du Ségur de la Santé

    Il y a plusieurs dimensions dans le Ségur. La revalorisation des carrières est directement liée à la crise sanitaire, le gouvernement n’aurait sans doute pas débloqué 5 milliards d’euros de revalorisations salariales autrement.

    En revanche, la dimension organisationnelle n’est pas tout à fait nouvelle.

    Concernant la gouvernance hospitalière, elle avait déjà été largement abordée dans Ma Santé 2022 bien avant la crise sanitaire puisqu’Edouard Phillipe, premier ministre à l’époque, avait commandé un rapport sur le sujet au Professeur Claris, président de la commission médicale d’établissement des HCL, qui contenait bon nombre d’observations et de préconisations pour faciliter la gestion quotidienne des équipes de terrain.

     

    Le but affiché était aussi l’égalité de services en matière de santé entre les territoires et de donner une part plus active aux professionnels de santé ?

    Ce principe a guidé bon nombre des réformes engagées ces dernières années. Un des objectifs affichés consiste à « médicaliser la gouvernance hospitalière ». La crise COVID a nourri le constat relayé par de nombreux travaux, dont le rapport Claris, d’une rupture entre le terrain et le « top management ». Les équipes médicales et soignantes se sont, en effet, senties éloignées des décisions stratégiques. De là procède la volonté de réaffirmer le rôle essentiel des services dans l’organisation des soins alors que, depuis le milieu des années 2020, ils semblaient largement supplantés par les pôles d’activité.

    Les commissions médicales d’établissement ou de groupement (pour les GHT) se sont vues reconnaître le rôle de préparer et d’adopter le projet médical, et donc la définition de la stratégie en la matière. De plus, dans de nombreux domaines, le régime de codécision entre le directeur d’établissement et le président de la commission médicale a été étendu.

     

    En plus de la valorisation des professions médicales, la question des enveloppes d’achat et d’investissement a été abordée ?

    Cette dynamique de relance porte principalement sur les investissements et non pas sur les dépenses de fonctionnement dont font partie les achats, au même titre que les autres dépenses d’exploitation. Ces dernières seront a priori peu impactées car l’augmentation des dépenses de l’assurance maladie vise essentiellement à financer les revalorisations salariales. Il ne faut donc pas attendre de réels changements s’agissant des produits de santé, ou des thérapies innovantes qui font l’objet d’une enveloppe particulière.

    En revanche, une vraie relance de l’investissement est engagée. Elle porte, tout d’abord, sur les « investissements quotidiens » c’est-à-dire petit matériel, petites opérations de travaux, etc. … La répartition de cette enveloppe suit une logique de décision partagée avec le terrain. Ces crédits sont attribués par les ARS (hors démarche d’appel à projets) et ensuite répartis au sein des établissements en fonction des besoins exprimés par les équipes médicales et soignantes.

    Il est également prévu une enveloppe beaucoup plus structurante pour soutenir la reconstruction ou l’extension des bâtiments ou des projets très novateurs associant la ville à l’hôpital. On parle cette fois de projets d’investissement suivant le cadre classique de la demande de crédits formulée par l’établissement, puis instruite par les ARS selon leurs priorités d’investissement. Bien qu’évoqué dans le plan Ma santé 2022, c’est le Ségur qui a fixé le cadrage financier et la répartition de cette enveloppe qui s’élève officiellement à 19 milliards d’euro, dont 2 milliards pour le numérique en santé.

     

    Sur l’Article 5 et les expérimentations de financement.

    Au-delà des aspects intellectuellement intéressants de ces expérimentations, je ne pense pas que l’on soit déjà allé au-delà du stade expérimental pour l’instant. Il faudra voir comment les éventuels retours d’expérience positifs viennent s’intégrer à l’avenir au sein de la réforme du financement qui a déjà débuté pour certaines activités (urgences, soins de suite et de réadaptation, psychiatrie…).

    Il est sans doute trop tôt pour le dire.

     

    Avec votre expérience d’hospitalier, avez-vous déjà vu des applications concrètes du numérique en santé ?

    Depuis quelques années, il y a une diversification des priorités, notamment en faveur des systèmes permettant d’alimenter automatiquement des DMP pour les échanges avec la ville et d’autre part l’interopérabilité puisque les strates successives d’applications – peu communicantes entre elles – posent un problème sérieux dans certains établissements où on compte jusqu’à 20 logiciels différents.

    En matière de réalisations concrètes, la crise sanitaire a incontestablement joué un rôle accélérateur. On assiste à un rattrapage éclair notamment pour les différentes activités de télémédecine, avec une mise à jour des infrastructures.

     

    Sur l’impact de ces plans de relance sur l’ONDAM et la LFSS

    S’agissant de l’ONDAM 2021, au regard du dernier avis du comité d’alerte, il est probable qu’il soit dépassé. Il faudra donc voir si l’augmentation de l’ONDAM 2022 est calculée par rapport au montant 2021 prévu ou au montant 2021 réalisé.

    A moyen terme, la question va se poser du retour à l’équilibre de l’assurance maladie qui apparaît aujourd’hui comme la branche la plus fragilisée, ce qui nous ramène à la question des outils de régulation. Le rapport qui a été publié en juin par la mission de l’Assemblée nationale qui étudie l’évolution des LFSS et des ARS se montre, par exemple, assez réservé sur la question d’objectifs régionaux de dépenses d’assurance maladie. Quoi qu’il en soit, il est probable que la question des dépenses de santé et de leur régulation soit largement débattue lors des prochaines échéances électorales.

     

    Où est la simplification dans ces réformes ?

    Si l’on considère la loi du 26 avril 2021, la simplification est dans son intitulé ! Mais on retrouve la même dénomination dans la récente loi relative à la simplification de l’action publique… tout cela peut sembler plus proche d’une démarche marketing ! Quoi qu’il en soit, il ne faut pas perdre de vue que certaines des propositions de simplification formulées s’avèrent en réalité difficilement réalisables. Je pense, par exemple, au fait de ne plus soumettre les hôpitaux au code de la commande publique.

     

    Retrouver Vincent Vioujas, le 2 juillet de 10h à 11h : Webinar – Actualités sur la gouvernance hospitalière

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