Rétrospective et bilan sur la mise en place de la loi anti-cadeaux
Déjà un an depuis l’entrée en vigueur le 1er octobre 2020 de la nouvelle loi dite « anti-cadeaux » et de son arsenal de textes réglementaires.
Après des premiers mois chaotiques, parsemés d’incertitudes, il faut se rendre à l’évidence : de nouvelles habitudes ont été prises et le « nouveau » dispositif est désormais en place au sein des entreprises du médicament et du dispositif médical. Si tel n’est pas le cas, il est vivement recommandé de faire de ce sujet une priorité.
Il n’aura échappé à personne, a fortiori aux responsables anti-cadeaux/DMOS au sein des entreprises, que non seulement il a fallu implémenter les nouvelles obligations mais aussi jongler avec les conséquences directes de la crise dont la digitalisation des relations, notamment avec les professionnels de santé et leurs associations, ainsi que des évènements (e-congrès, e-symposium, …).
Si la plupart des projets prévus en 2020 ont été suspendus ou reportés, 2021 a connu un « boom » de solutions techniques pour que les interactions nécessaires du secteur puissent continuer a minima – et de fait, les soumissions préalables (déclarations ou demandes d’autorisations) ont pu régulièrement être transmises aux autorités en charges du contrôle des avantages autorisés (Ordres professionnels et Agences Régionales de Santé – ARS).
Si le CNOM, par le biais de sa plateforme IDAHE 2.0, refondue spécialement pour l’occasion, a rapidement fait connaître son interprétation ad hoc du nouveau dispositif, il n’en va pas de même pour les autres Ordres professionnels et encore moins « les » ARS qui se sont montrées discrètes voire mutiques sur le sujet. Tant est si bien que l’on a vu se dessiner un système à deux vitesses – outre les difficultés pratiques d’utilisation de la plateforme Éthique des professionnels de santé (EPS).
Et faute de recommandations officielles sur les bonnes pratiques de la relation en digital, chaque entreprise a tracé ses propres lignes directrices (pour mémoire, la dernière référence officielle, la Charte pour la communication et la promotion des produits de santé (médicaments et dispositifs médicaux) sur Internet et le e-media date du 19 mars 2010 du temps de l’Afssaps dont la mise à jour la plus récente est de mars 2014, soit il y a plus de 7 ans (contexte : en 2014 c’était l’iPhone 6 qui venait de sortir, on était à mi-mandat du Président F. Hollande et l’OMS déclarait l’état d’urgence à l’échelle mondiale du virus Ebola).
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Appréciation faite par les Ordres compétents
Le CNOM qui a un mois maximum pour indiquer à l’entreprise qui fait une demande d’autorisation si son dossier est incomplet (le silence valant en théorie validation de la complétude) a mis en suspens des projets, par exemple pour les raisons suivantes :
« Faire figurer le montant des frais d’hospitalité TTC » ;
« Faire figurer le montant maximum susceptible d’être pris en charge au titre des frais de transport » ;
« Indiquer le dispositif DMOS/anti-cadeaux tel que prévu « aux articles L. 1453-3 et suivants du Code de la santé publique » et non pas seulement prévu par le CSP ». NB : En pratique, cela implique qu’il faudra modifier les trames de contrats à chaque nouvelle codification. On peut s’interroger sur la légitimité d’une telle demande ;
« Fournir la liste complète des intervenants définitifs lors de l’évènement ».
Sur ce dernier point, et pour les plus diligents (ou ceux dont les ressources internes ont permis de mieux s’organiser) les demandes d’autorisation auront été déposées très en amont et bien avant le délai de 2 mois (ou celui de 4 mois précédemment recommandé – cf. article précédent – pour anticiper les éventuelles demandes de compléments de dossier ou recours). Pour ceux-là néanmoins, il demeure quasi impossible de fournir « la liste complète des intervenants à l’évènement » : d’aucun sait que si la date du congrès est souvent connue de nombreux mois à l’avance, il n’en est pas de même de la liste finale/définitive des orateurs/intervenants, sans compter qu’il n’est pas rare qu’il y ait des changements de dernière minute due à des imprévus – à fortiori lorsque les interventions sont des praticiens, au quotidien auprès de leurs patients.
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Et après?
Si la DGOS et DGCCRF ont répondu – partiellement – à quelques interrogations transmises par les organisations professionnelles à l’instar du Leem, comme la part de charges sociales moyenne dans la rémunération des fonctionnaires en quasi-salariat, d’autres sujets ne sont pas tranchés officiellement.
Les Ordres et les ARS sont supposés publier tous les deux ans un rapport comportant le nombre de conventions soumises à autorisation ou à déclaration, le sens des décisions prises, ainsi que les données issues de ces dossiers, de nature à faciliter la mise en œuvre du dispositif et à en permettre l’évaluation. Si le rendez-vous est donc théoriquement pris pour dans un an, espérons qu’il y ait d’ici là de nouvelles clarifications officielles pour apporter plus de lisibilité et prévisibilité dans l’application du dispositif.
Auteur : Marc Antoine Chretien Kimmel, Avocat au barreau de Paris
Références : • Articles L. 1453-3 et suivants et R. 1453-13 et suivants du Code de la santé publique • Arrêtés du 7 aout 2020 le premier fixant les montants en deçà desquels les avantages en nature ou en espèces sont considérés comme d'une valeur négligeable en application du 4° de l'article L. 1453-6 du code de la santé publique et le second fixant les montants à partir desquels une convention prévue à l'article L. 1453-8 du code de la santé publique et stipulant l'octroi d'avantages est soumise à autorisation (JORF du 14 aout 2020, et le 2ème texte du même jour) • Arrêtés du 24 septembre 2020 le premier portant la typologie thématique des avantages et des conventions en application de l’article R. 1453-14 du code de la santé publique (JORF 30 septembre 2020) et le second portant sur la création d'une télé-procédure visant à faciliter la transmission des conventions stipulant l'octroi des avantages dénommé « Ethique des professionnels de santé » (EPS) (JORF du 2 octobre 2020) • NOTE D’INFORMATION N° DGOS/RH2/2020/157 du 11 septembre 2020 relative à l’application de l’article L. 1453-3 du code de la santé publique aux fins de mise en œuvre du dispositif « encadrement des avantages » publiée le 6 novembre 2020.