Au cours de la pandémie liée au Covid-19, les ruptures d’approvisionnement de médicaments, sous le feu des projecteurs depuis quelques temps déjà, ont été remises au cœur des préoccupations des autorités sanitaires. Pour s’en prémunir au mieux et y répondre avec efficacité, depuis quelques mois, de nouveaux outils ont été mis à disposition, les plateformes Trustmed et TRACStocks, en complément du logiciel DP-Ruptures déjà existant pour les officines et PUI.
Nous vous proposons ici une synthèse du nouveau cadre législatif et un rappel des trois différentes solutions mises en place pour améliorer la gestion de ces ruptures.
Quelles sont les causes des ruptures ?
Les pharmacies et établissements de santé sont concernés par deux types de rupture :
- Les ruptures de stock, c’est-à-dire l’impossibilité de fabriquer ou d’exploiter le médicament
- Les ruptures dans la chaîne de distribution, à savoir le non-approvisionnement d’une officine ou d’une PUI en l’absence de rupture de stock.
Les causes des ruptures sont multiples :
- La mondialisation de la fabrication et de la demande ;
- Une difficulté liée à la production ;
- L’augmentation subite des ventes suite aux recommandations d’utilisation ou au report d’un médicament sur un autre ;
- La libre circulation des biens et la distribution vers des pays où les prix sont plus avantageux
Décret n°2021-349 du 30 mars 2021
Ce décret introduit de nouvelles modalités relatives au stock de sécurité destiné au marché national.
- Il est obligatoire, pour les titulaires d’autorisation de mise sur le marché et les entreprises exploitant un médicament, de constituer un stock de sécurité des médicaments destinés au marché national d’une durée maximale de quatre mois de couverture des besoins en médicaments.
- Pour les MITM : 2 mois pour le stock de sécurité, jusqu’à 4 mois pour le stock de sécurité majoré
- Au moins un mois pour les autres médicaments non mentionnés dans l’article L5111-4 contribuant à une politique de santé publique
- Au moins une semaine pour les autres médicaments
- Les titulaires d’autorisation de mise sur le marché et les entreprises exploitant un médicament d’intérêt thérapeutique majeur (MITM) doivent informer l’ANSM en cas de rupture ou risque de rupture d’un MITM.
- Les titulaires d’autorisation de mise sur le marché et les entreprises exploitant des MITM doivent élaborer des plans de gestion des pénuries dans le respect des lignes directrices fixées par l’ANSM.
Rôles
- Le grossiste-répartiteur doit informer l’exploitant de toute rupture dont il n’aurait pas déjà été informé. Il lui est interdit depuis la loi de Modernisation du système de santé (Loi du 26 janvier 2016) d’exporter un produit en rupture si celui-ci est un MITM.
- L’exploitant doit déclarer de manière anticipée les risques de ruptures et les ruptures de stock avérées de MITM à l’ANSM. Depuis cette même loi, il doit mettre en œuvre obligatoirement des plans de gestion des pénuries, en identifiant notamment des solutions alternatives appropriées.
- Le pharmacien peut informer l’exploitant des ruptures dont il n’aurait pas déjà été informées.
1. DP-Ruptures
DP-Ruptures est un logiciel développé par l’Ordre des Pharmaciens, expérimenté depuis 2013 et aujourd’hui implanté dans presque 20 000 officines en France.
Selon la définition introduite par le décret du 28 septembre 2012, il y a une rupture de stock dès lors que le pharmacien d’officine ou de PUI ne peut plus s’approvisionner en un médicament pendant 72 heures. Dans ces cas, une déclaration de rupture est créée automatiquement par le logiciel.
Si cette rupture concerne au moins 5% des pharmacies équipées par ce logiciel, la déclaration est répertoriée dans la synthèse des déclarations de ruptures d’approvisionnement sur le portail DP-Ruptures. Un signal est alors transmis au laboratoire exploitant ainsi qu’aux autorités sanitaires dont l’ANSM.
En retour de leurs déclarations, les pharmaciens ont accès à des informations relatives à l’approvisionnement du médicament, à savoir les dates de retour envisagées ou les éventuels médicaments alternatifs à utiliser.
DP-Ruptures augmente la fluidité de l’information entre les différents acteurs et permet de quantifier les ruptures d’approvisionnement et de les gérer au mieux. Ce logiciel assure la communication par le pharmacien auprès de ces patients de la disponibilité en temps réel du médicament et améliore donc la coordination entre les acteurs. Il permet aussi de simplifier le parcours patient en rendant possible le remplacement de médicaments par les pharmaciens d’officine, en cas de rupture d’un MITM.
2. TRACStocks
TRACStocks a été développée par Les Entreprises du Médicament (LEEM), le GEMME (générique même médicament) et les laboratoires des médicaments d’importation parallèle (LEMI), dans le but d’optimiser la gestion des stocks de médicaments. Le LEEM a déployé cette plateforme, dans le cadre son plan d’action « Ruptures » de 2019 pour faire face aux problèmes récurrents d’approvisionnement de médicaments. Cet outil permet de répondre aux demandes de l’ANSM concernant l’envoi de données de stocks et l’agrégation des données, dans l’objectif d’éviter l’apparition ou de mettre fin à une rupture de stock de médicament.
Les laboratoires rentrent les informations de tension sur la plateforme, qui assure une agrégation des données inter-laboratoires. Ces données sont uniquement mises à la disposition des autorités publiques, dont l’ANSM, et permettent de disposer d’informations sur les stocks de MITM lorsqu’une tension survient chez un fabricant. Ce système permet d’avoir une vision claire de ce qui est disponible pour la prise en charge d’un patient. Cela facilite et sécurise la déclaration des données de stocks des entreprises à l’ANSM via une plateforme gérée par un tiers de confiance, mais aussi améliore la traçabilité des stocks de médicaments en tension afin de mieux anticiper les ruptures.
Cette plateforme permet d’obtenir une base d’information centralisée sur les stocks de MITM en situation de rupture d’approvisionnement et disposant d’alternatives commercialisées. Elle permet en parallèle la réalisation de tableaux périodiques de suivi et d’évolution des niveaux de stocks consolidés afin de mieux anticiper les actions à conduire en cas de tension d’approvisionnement.
Depuis fin 2020, elle se concentre, entre autres, sur les médicaments utilisés pour la prise en charge en réanimation indispensables à l’hôpital notamment lors de la pandémie de Covid-19.
3. Trustmed
Trustmed est une plateforme lancée par l’ANSM dédiée à la déclaration des ruptures de stock des MITM dès que le niveau de stock est inférieur au stock de sécurité. Cette déclaration en ligne remplace le formulaire de déclaration utilisé jusqu’à présent et facilite les échanges avec les industriels.
Les laboratoires exploitants impliqués dans la gestion de ruptures de stock déclarent une rupture ou un risque de rupture en remplissant le formulaire en ligne. Cela permet d’informer l’ANSM des mesures mises en place et de répondre à une demande de l’Agence sur la mise en place de mesures.
L’intérêt de cette plateforme est d’améliorer la collecte des données de signalement des ruptures de stock, mais aussi de partager aux patients et aux professionnels de santé les actions effectuées pour pallier ces ruptures. La création d’une procédure en ligne permet de standardiser l’information et donc de la centraliser dans les bases de données de l’ANSM pour un traitement systématique et rapide des situations de ruptures de stock. Ces notions faisaient parties des recommandations de la mission sur les pénuries de médicaments en France publiées en juin 2020. C’est une étape clé dans la démarche de numérisation et de transparence de la collecte de données.
L’année dernière, le nombre de déclarations de ruptures a doublé en passant de 1500 en 2019 à 3200 en 2020. Cette augmentation s’explique par la demande des autorités de déclarer plus exhaustivement les ruptures mais aussi par la crise sanitaire à l’origine d’un grand nombre de pénuries. Les professionnels de santé se doivent d’utiliser pleinement ces différentes plateformes pour anticiper au mieux les potentiels risques de rupture et limiter le nombre de rupture.
Dominique Patrone, Docteur en Pharmacie, PR et Consultante (Dirona Consulting)
Marie Moracchini, Etudiante en Pharmacie, EM Produits de Santé