Délégation de pouvoir entre le pharmacien responsable et le pharmacien adjoint

12 novembre 2021
Délégation de pouvoir entre le pharmacien responsable et le pharmacien adjoint

Sommaire

    À qui et surtout comment le pharmacien responsable peut-il déléguer ses prérogatives ?

    Introduction

    Le pharmacien responsable (« PR ») est doté d’une position statutaire [1] et est responsable de l’activité du laboratoire où il exerce ses fonctions à de nombreux égards : fabrication, publicité, information, pharmacovigilance, suivi et retrait des lots [2]…

    Plus généralement, il est en charge du contrôle des activités pharmaceutiques du laboratoire auquel il appartient.

    Son rôle est précisé par le Code de la santé publique. Titulaire d’un mandat social, il partage la responsabilité légale avec le Président ou le Directeur général de la société et exerce personnellement sa profession et son rôle [3].

    Sa tâche étant immense, la bonne organisation des activités pharmaceutiques oblige donc le PR à déléguer et/ou transférer ses pouvoirs à d’autres pharmaciens. En effet, la loi lui impose de se faire assister lorsqu’il en éprouve le besoin [4].

    Comment légalement organiser une délégation de pouvoir ?

    Même si aucun texte ne vient interdire une délégation de ses activités par le PR [5], celle-ci doit tout de même être encadrée par les limites légales. La délégation de pouvoirs, qui ne doit pas être confondue avec la délégation de signature (qui n’est autre qu’un mandat), constitue un moyen efficace pour confier des missions à un délégué qui engagera sa responsabilité personnelle.

    Il convient à ce titre de signaler que la Cour de cassation a jugé que la délégation de pouvoirs est toujours possible, « sauf lorsque la loi en dispose autrement » [6]. Par exception, la jurisprudence interdit au chef d’entreprise de déléguer ses pouvoirs lorsqu’il s’agit d’obligations personnelles qui relèvent de son « pouvoir propre de direction ».

    Dès lors, étant donné que le Code de santé publique prévoit que le PR ne peut assurer seul ses fonctions, les délégations de pouvoirs sont possibles, et même quasiment obligatoires, au sein d’un établissement pharmaceutique.

    Quelles conditions pour déléguer ses pouvoirs ?

    Les conditions pour qu’un PR effectue une délégation de pouvoirs relèvent de la jurisprudence et de droit commun à toutes les formes de sociétés à toutes les activités.

    • Elles concernent tout d’abord le délégant qui sera dans notre cas d’étude un PR. Les délégations de pouvoirs doivent être nécessaires. Le PR qui voudrait déléguer ses pouvoirs doit ainsi rapporter la preuve qu’il lui est matériellement impossible d’exercer seul un contrôle satisfaisant, ce qui est dans le plus souvent des cas relativement aisé.  Par ailleurs, la délégation doit être précise et spéciale, c’est-à-dire en rapport avec une activité déterminée. Il n’est en effet possible que de déléguer une partie de ses fonctions, la délégation doit toujours être partielle [7].
    • La dernière série de conditions concerne le délégataire qui peut être dans notre cas de figure un PA. Celui-ci doit être subordonné au délégant, obligation qui relève de son contrat de travail créant un lien subordination et le rappelant [8].

    En outre, pour que les délégations de pouvoirs soient effectives et valables, la jurisprudence considère qu’il convient de démontrer que les supérieurs hiérarchiques ont délégué leurs pouvoirs relatifs au respect de la réglementation en question [9]. Il convient à cet égard de savoir si les délégués sont pourvus de la compétence, de l’autorité et des moyens nécessaires pour remplir leur mission [10].

    Dès lors, optimiser l’organisation de l’activité pharmaceutique passe nécessairement par identifier les tâches que le PR peut déléguer à ses pharmaciens adjoints à condition que ceux-ci bénéficient de l’expérience et des pouvoirs nécessaires à l’exécution de leurs fonctions.

    On notera également que la délégation de pouvoir d’un PR à ses adjoints vient par ailleurs limiter son risque en matière pénale. En effet, si en pratique la responsabilité du PR est systématiquement recherchée, une délégation de pouvoir valablement rédigée lui permet de se décharger du risque pénal lié à une action pour laquelle son adjoint était autonome et capable.

    In fine on retiendra que la délégation de pouvoir d’un PR à son ou ses adjoints permet de mieux organiser l’activité pharmaceutique d’un laboratoire, tout en soulageant sa responsabilité personnelle, véritable épée de Damoclès.

    Auteur : Maitre Paul Henry Deveze, avocat

    [1] Articles L.5124-2 et R.5124-34 du Code de la santé publique

    [2] Article R.5124-36 du Code de la santé publique

    [3] Article L.5124-4 du Code de la santé publique

    [4] Article L.5124-4 du Code de la santé publique

    [5] Voir sur ce point, les Bonnes pratiques de fabrication de l’ANSM

    [6] Cass. crim., 11 mars 1993, Bull. crim. n° 112

    [7] Cass. crim., 17 oct. 2000, Bull. crim. n° 300

    [8] Cass. crim., 26 mars 1994, Bull. crim. n° 208

    [9] Cass. crim., 28 juin 1902, Bull. crim. n° 237

    [10] Cass. crim., 8 déc. 2009, Bull. crim. n° 210

     

     

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