Présentation de l’achat pour compte
Est un mécanisme de sanction contractuelle que l’hôpital peut mettre en œuvre pour surmonter une inexécution du fournisseur. Achat pour compte
Cette sanction permet à l’acheteur de faire supporter au fournisseur défaillant les surcoûts d’un approvisionnement de substitution. C’est-à-dire que l’acheteur pourra refacturer auprès du fournisseur défaillant la différence de prix entre le prix marché de la fourniture non livrée . Et le prix d’acquisition du produit de substitution auprès d’un autre fournisseur.
La particularité est que l’existence de ce pouvoir de sanction constitue une règle d’ordre public. C’est-à-dire que ce pouvoir dont bénéficie l’acheteur public existe même dans le silence du contrat. Et que les clauses du contrat ne peuvent pas le supprimer.
Cela ne veut pas dire que les clauses du marché ne peuvent pas adapter, ajuster ou encadrer l’application de ce pouvoir. Mais cela veut dire qu’on ne peut pas supprimer ce pouvoir.
Cela ne veut pas dire que l’acheteur public est dans l’obligation de mettre en œuvre ce pouvoir de sanction en cas de défaut d’approvisionnement du fournisseur.
L’acheteur peut accepter que le fournisseur initial lui livre un produit de substitution répondant à son besoin dès lors que ce produit est fourni :
- à des conditions économiques équivalentes
- et présente toutes les caractéristiques et avantages du produit retenu au marché.
Il pourra s’agir par exemple d’un :
- produit concurrent,
- ou d’un dosage différent,
- d’une forme pharmaceutique différente,
- ou d’un dispositif de même gamme.
Mais, l’acheteur n’a l’obligation d’accepter que le laboratoire titulaire du marché lui fournisse directement un produit de substitution.
Il lui appartient de prendre la meilleure décision selon ses intérêts.
Le caractère de l’achat pour compte
L’achat pour compte peut :
- On peut mettre en œuvre ce pouvoir de façon temporaire, le temps de la rupture d’approvisionnement,
- ou de façon définitive lors d’une résiliation pour faute du marché, qu’on appellera alors « résiliation aux frais et risques ».
Dans le cadre des marchés publics , il est rare de rencontrer des résiliations aux frais et risques. On applique plutôt l’achat pour compte de façon temporaire durant la période pendant laquelle le fournisseur ne peut pas livrer les produits en rupture. Il peut alors y avoir plusieurs achats de substitution durant cette période en fonction des besoins commandés par l’acheteur.
Cela implique en pratique :
- que le fournisseur a intérêt à adresser aux acheteurs publics l’information sur la date de fin de rupture.
Cela dans le but d’éviter de devoir contester des demandes d’achat pour compte injustifiées. Alors que le fournisseur était de nouveau en situation de pouvoir livrer.
Les conditions de mise en œuvre de l’achat pour compte
L’achat pour compte étant à la fois une sanction et un achat public :
- ses conditions de mise en œuvre sont plutôt strictes.
Or, le respect de ces conditions est d’autant plus important qu’en cas d’achat pour compte irrégulier, le fournisseur ne peut se voir imputer les surcoûts liés à l’achat de substitution. Dans ce cas, les surcoûts restent à la charge de l’acheteur.
Quelles sont ces conditions ?
- Premièrement, il ne peut y avoir d’achat pour compte que si la rupture d’approvisionnement est imputable au fournisseur.
Si un cas de force majeure ou une situation imposée au fournisseur (comme une décision de contingentement prise par l’ANSM) cause la non-livraison, alors on ne peut pas valablement sanctionner ce fournisseur.
- Deuxièmement, sauf stipulation contraire dans les clauses du marché, on ne peut appliquer la sanction qu’après une mise en demeure préalable.
Il est toutefois très fréquent que les clauses particulières du marché écartent la règle de la mise en demeure préalable. Dans ce cas, celle-ci n’est pas nécessaire et, par suite, l’achat de substitution peut intervenir dès dépassement du délai de livraison.
Et cela quand bien même le marché prévoit également un mécanisme de pénalité de retard. Les pénalités de retard sont une autre forme de sanction qui n’exclut pas l’achat pour compte.
- Troisièmement, l’acheteur doit limiter l’achat de substitution à la défaillance du fournisseur qu’il est en mesure de prouver.
C’est-à-dire qu’en cas de contestation, l’acheteur doit être en mesure d’établir qu’à la date de la commande de substitution, le fournisseur était toujours en situation de rupture.
- Quatrièmement, l’achat de substitution doit respecter les règles de la commande publique
- Cinquièmement, le fournisseur défaillant doit être mis en mesure de suivre l’exécution des prestations de substitution.
Si cette exigence est ancienne, sa traduction pratique sous forme d’obligations précises pour l’acheteur public est plutôt récente.
Ainsi, le Conseil d’Etat vient de juger en avril 2023, qu’à ce titre, l’acheteur doit notifier dès sa passation la commande de substitution du fournisseur défaillant. En pratique, on peut constater que cette communication n’est jamais faite.
Pour dire les choses plus précisément selon vos termes :
le labo ne livre pas, l’hôpital a besoin de produits, mais pour un total ne dépassant pas le seuil nécessaire pour qu’une procédure de mise en concurrence soit lancée, il peut alors passer une commande de substitution de gré à gré, sans publicité ni mise en concurrence préalable.
NB : il ne faut pas confondre les notions de « marché » et de « procédure ».
Dès le premier EURO, tout achat public est un marché public.
Pour autant ce marché pourra être passé sans publicité ni mise en concurrence préalable compte tenu de son faible montant.
Conclusion
En synthèse, on peut dire que l’achat pour compte est certes un mécanisme plutôt sévère au bénéfice des acheteurs publics, mais que s’agissant d’une sanction il ne va pas sans garantie au profit des fournisseurs titulaires des marchés.
Si la multiplication de situation de rupture ces dernières années a conduit les établissements de santé à faire plus fréquemment application de ce mécanisme, on constate néanmoins en pratique que dans sa mise en œuvre, peu nombreux sont les cas dans lesquels les diverses conditions fixées sont correctement respectées.